concurrencent les boîtes plastiques de la ménagère
LES SOIRÉES SEXTOYS :
Une interview by Virginia Ennor
de Nathalie Giraud Desforges, sexothérapeute,
fondatrice de Piment Rose
En 1981, la France est toujours dans le vent musicalement mais toujours pas sexuellement ; c’est « La danse des canards » qui cartonne sur les ondes françaises pendant que toute l’Angleterre se masturbe…
Réunion sextoys
Les premières réunions initiatiques du « bonheur masturbatoire» sont apparues pour la première fois en Angleterre au début des années 80 ; aujourd’hui plus de 4000 réunions y sont organisées chaque semaine.
C’est une femme, Jacqueline Gold, qui est à l’origine de ces « ripailles mécaniques » plus généralement appelé « Partyplan », « Fuckerware », «Godeware »," «Tuppergode »
Elle est également à la tête des boutiques « Ann Summers », une multinationale qui génère des centaines de millions de chiffre d’affaire par an en vendant des Rabbits, des boules et des bites……
Le concept est identique à celui des réunions Tupperware ;
à la seule différence, les animatrices ne vous expliquent pas comment garder un poulet chaud, elles vous révèlent à l’instar comment rendre votre corps brulant …
Toujours en retard, mais finalement en 2003 les ménagères françaises se décident et se rebellent. Ras le bol de préparer la gamelle de monsieur ! Elles laissent tomber leurs boîtes plastiques pour des pénis mécaniques !
La responsable de cette torride mutinerie, c’est Nathalie Giraud Desforges, sexothérapeute, fondatrice en 2003 de Piment Rose, l’un des premiers sites de vente par Internet d’objets pour le plaisir féminin, et l’une des premières en France à organiser ces réunions « Godeware ».
Nathalie Giraud Desforges nous a-t-elle aussi été envoyée par notre dieu « du paradis sur terre » pour nous sauver des « ténèbres puritaines » ?
Les dessous d'une réunion sextoy
Pour le savoir, je me suis rendue à l’une de ses réunions, et je peux dire que Nathalie m’est apparue plutôt « déesse » que « prophète », une déesse de l’amour, baptisée « Marraine
du plaisir » par ses clientes !… Rassurez-vous, cette Goddess contemporaine n’utilise pas
de poudre de jusquiame noire et ses réunions ne sont pas des rituels orgasmiques inspirés de l’Antiquité. Cependant, elle véhicule aussi à travers ses soirées sextoys le message du « bonheur masturbatoire ».
Elle a accepté de me raconter comment lui était venue cette idée de "pervertir" à l’amour les Françaises, mais aussi les Français, puis de me dévoiler les secrets de ses mystérieuses gynécées…
« Tout d’abord, j’ai vécu 15 ans en Grande-Bretagne pour obtenir mon MBA et y travailler avant de revenir m’installer sur la Côte d’Azur en 1999, dans un environnement très cosmopolite. Très vite, avec les autres mamans expatriées, nous avions pris l’habitude de nous réunir pendant que les hommes étaient de sortie et que les enfants dormaient, pour regarder la fameuse série « Sex and the City » en DVD, bien avant qu’elle n’arrive en France. À l’époque, les films nous étaient envoyés des USA par des girlfriends bien intentionnées. Lorsque nous avons vu l’épisode dans lequel Charlotte devient accro à son vibro, le Rabbit, nous nous sommes mises à parler de sexe, plus librement, de façon ludique et naturelle.
Plus tard, une de mes amies américaines m’a rapporté des États-Unis un petit rouge à lèvre vibrant ainsi que des huiles de massages comestibles que j’ai donné en échantillon à mes amies. Elles les ont immédiatement adoptées et en ont très vite redemandé. Mais impossible de les trouver en France et les sexshops d’alors, plutôt sordides, c’était pas du tout mon truc !
C’est de là qu’est née l’idée de monter un business. Je suis passée par le siège social d’Ann Summers en Angleterre pour leur demander s’ils ne voulaient pas ouvrir une succursale en France. Ils n’étaient pas intéressés car ils en ouvraient une en Espagne parce qu’ils pensaient que le marché français n’était pas encore prêt. Nous étions en 2002. C’est alors que mes amies m’ont dit « pourquoi tu ne le fais pas, toi ? »…
Après 4 mois d’études de marché pour mettre au point ce concept de vente novateur, je me suis in-formée près des professionnels de la santé pour lancer mes réunions et former mes conseillères dont le travail est aussi de guider les gens et de leur donner des conseils en matière de sexualité et d’utilisation de sex-toy. J’ai revisité l’esprit de celles de Tupperware et d’Ann Summers que j’ai complètement adapté à la sensibilité française très imperméable aux sex-toys. Piment Rose, « la femme qui ose », Piment Rose « pour pimenter la relation amoureuse » est aussi devenu un site de vente et d’informations sur la sexualité agrémenté en 2006 d’un blog personnel.
J’ai choisi de transmettre des clés, d’éduquer, de « détabouïser », de donner du sens au plaisir pour le plaisir des sens.
Le Français était frileux sous la couette, il avait besoin d’être rassuré ! Il y avait beaucoup d’objections, et la plupart venaient des hommes, dans le genre : « C’est pervers, ma femme me trompe si elle utilise ça ! Pourquoi ? Je ne suis pas suffisant ? » ; et ce qui venait des femmes, c’était plutôt « mais moi, je ne suis pas comme ça ! ». Le Français est aussi très fier de sa puissance de séduction au naturel. Il ne voyait vraiment pas l’intérêt d’ajouter un autre « sex à-pile » dans sa vie sexuelle, cela devenait un concurrent.
Ma philosophie a été de transformer cet ennemi en un compagnon de jeu et de découverte pour le couple, de dédramatiser la sexualité et de la décomplexer. Nous étions deux à le faire à cette époque, Yoba plus ciblé sur le plaisir féminin, et ma société orientée vers le couple, « le plaisir des femmes et la gourmandise des hommes » pour un « shopping coquin, ludique et gourmand ».
Les réunions étaient alors organisées selon un fil conducteur précis : essayage de la lingerie (nous n’en vendons presque plus aujourd’hui), découverte des jeux, saveur des cosmétiques érotiques et en dernier présentation des sex-toys. Le déroulé comprenait et comprend toujours une brève histoire de l’olisbos et du vibromasseur, un quizz, des questions et réponses. C’est un lieu de paroles libres qui favorise les échanges de « recettes amoureuses ».
Au départ, je vendais surtout de la lingerie avec des boules de geisha à but thérapeutique pour muscler le périnée, des canards et des cockrings vibrants (anneaux péniens) pour des jeux à deux. Mais lorsque Brigitte Lahaie m’a invité dans son émission quotidienne sur RMC Info pour y parler sextoy et quand les médias ont commencé à parler du Rabbit new-yorkais, alors là les ventes ont vraiment explosé !
L’autre tournant décisif a été en 2004 lorsque je me suis intéressée au plaisir des hommes ; je suis devenue la distributrice en France de sex-toys patentés médical « Les Aneros » pour massages prostatiques. Une grande révolution, l’homme multi-orgasmique … Mais le plaisir anal prostatique était encore plus tabou que le plaisir féminin ! … Le début d’une longue éducation des Françaises, initiatrices et curieuses et des Français, plutôt conservateurs.
Puis en 2008, j’ai adapté le livre du Dr H. Hitcherson « Plaisir, manuel pratique de sexe, à l’usage des femmes » des Ed. Leduc-s pour la France en l’accompagnant d’un mini vibro. Une autre révolution, une première dans l’univers éditorial et celui de la grande distribution.
Aujourd’hui j’anime essentiellement des ateliers sexo et des stages Tantra (bilingue), des conférences et participe à de nombreuses émissions radio et télé.
En tant que sexothérapeute, je reçois des couples et des personnes seules en consultation aussi pour du sex ou love coaching. Nous faisons encore des réunions, mais très peu.
L’œuvre de démocratisation des accessoires érotiques et de l’information sur la sexualité continue à porter ses fruits et je suis fière d’y contribuer. Le sex-toy n’est qu’un des moyens pour mieux se connaître, l’essentiel est ailleurs sur le chemin du « Tissage de l’Amour »...